Les poêles de M. Glist

Cuisinières de masse

Vivre avec une cuisinière de masse : ça donne quoi ?

Avant de parler des perspectives pour l’été 2023 (bientôt de bonnes nouvelles à annoncer !), je vais ici m’étendre un peu sur le retour d’expérience sur ma propre et première cuisinière dont nous avons vu la construction la dernière fois !

Je parlerai ici des performances sur le plan du chauffage, de la cuisine, et de la logistique et l’anticipation qu’implique son utilisation quotidienne.

Le chauffage

« Mais alors, avec un si petit foyer, tu arrives à faire tenir toute la nuit ? »

C’est la question que tout le monde pose, et c’est compréhensible. La majorité des usagers de chauffage au bois sont conditionnés par leurs habitudes et leurs expériences avec des appareils qui n’ont pas de masse accumulatrice pour continuer de chauffer une fois le feu éteint. La seule stratégie permettant alors de maintenir une chauffe constante consiste à faire tourner son appareil au ralenti, en réduisant l’arrivée d’air pour partiellement étouffer son feu. Cette stratégie est pourtant à l’origine de nombreux problèmes : rendement réduit (les gaz imbrûlés par manque d’oxygène contenaient de l’énergie potentielle qui n’est finalement pas utilisée), forte pollution de l’air due au dégagement de particules fines, de monoxyde de carbone (CO), d’oxydes d’azote (NOx) et de composés organiques volatiles (COV), et encrassement accéléré des conduits avec du bistre, pouvant parfois mener à des feux de cheminée, même en cas de ramonage annuel.

La réponse ? Eh bien j’ai fait en sorte de ne pas avoir besoin de « faire tenir toute la nuit », tout simplement !

Grâce à la masse radiante de la cuisinière et à une maison raisonnablement bien isolée, à raison de 2 feux vifs de 2h par jour, la maison reste chauffée nuit et jour, avec des variations de température vraiment minimes entre deux feux. Voyez plutôt ces relevés de température, issus du capteur intérieur de ma station météo, situé au RDC de la maison à 5m de la cuisinière :

Sur cette semaine hivernale typique de janvier 2024 (température moyenne extérieure de 3,1°C, avec un pic à 10,6°C dans la matinée du mercredi et une minimale à -7,6°C dans la nuit du samedi au dimanche), la température intérieure a, comme d’habitude, oscillé entre 19 et 21°C -à l’exception d’un matin où elle était descendue à 18,6°C- pour une moyenne à 20,1°C. On peut distinguer les 2 petites oscillations journalières dues aux 2 flambées quotidiennes faites matin et soir. Si ces mêmes flambées avaient été faites dans un poêle classique sans masse, ces oscillations seraient beaucoup plus marquées, avec un maximum plus proche des 23°C en fin de flambée et un minimum autour de 17°C, ce qui génèrerait de l’inconfort.

L’avantage de ces flambées relativement courtes à heure fixe, c’est qu’elles dégagent du temps pendant lequel on n’est pas obligé de s’occuper du feu. Elles évitent d’avoir à se relever la nuit, et permettent aussi de s’absenter de chez soi en journée, tout en garantissant malgré tout un très bon confort thermique à toute heure.

Comme évoqué dans l’article détaillé sur la construction et les caractéristiques de la cuisinière, ces résultats sont obtenus dans une maison d’environ 75m², ayant des besoins de chauffage estimés à 160kWh/m²/an, et dont c’est l’unique mode de chauffage. On peut ajouter que la maison se situe à 900m d’altitude et a des apports solaires extrêmement faibles (toutes les ouvertures sont orientées nord-est), mais que son aménagement intérieur est pensé pour favoriser la possibilité d’être entièrement chauffée grâce à un appareil à bois unique, sans réseau de chauffage central ni radiateurs électriques d’appoint.

En effet, la maison a une empreinte au sol relativement carrée (environ 7×5,5m intérieur) sur 2 niveaux (RDC + 1 étage). Le RDC est composé d’une grande pièce de vie dans laquelle est construite la cuisinière, ainsi que d’une SDB/WC dont la porte, habituellement ouverte sauf en cas d’occupation, se situe à 4m en face de la cuisinière. Toujours face à la cuisinière, un escalier en quart tournant et à trémie ouverte monte par-dessus la SDB et débouche sur un palier de 4×2,5m desservant 2 chambres de respectivement 4x3m et 3×5,5m, les portes de ces chambres étant elles aussi habituellement ouvertes quand elles ne sont pas occupées. Ce genre de configuration est bien évidemment beaucoup plus favorable qu’une maison de même surface qui serait de plein pied, tout en longueur, très cloisonnée et dont les portes intérieures resteraient fermées.

La cuisine

Le principal intérêt d’une cuisinière à bois, qu’elle soit de masse ou non, c’est que l’énergie nécessaire à la cuisson (qui est en général assurée par un appareil séparé, fût-il électrique ou à gaz) devient un simple co-bénéfice de la fonction de chauffage. Que vous soyez en train de cuisiner ou non, en cours de flambée la plaque de cuisson est chaude et injecte de l’énergie thermique dans le logement, et le four est également chaud et ses parois stockent de l’énergie thermique qui sera elle aussi réinjectée au fil des heures dans le logement. Il ne tient alors qu’à vous d’en profiter !

Dès environ 10mn après allumage, la plaque de cuisson sera assez chaude pour faire par exemple un café à l’italienne, et dès 15-20mn, elle aura atteint une température qui permettra de commencer à vraiment cuisiner. Et comme elle est munie d’un petit foyer qui se recharge toutes les 20-25mn plutôt que d’un grand foyer qui se charge en une seule fois, le profil de température à la surface de la plaque reste relativement constant au fil du temps, ce qui évite d’avoir à bouger en permanence ses poêles et casseroles pour maintenir une puissance de cuisson constante, ou bien de perdre une ébullition après que le pic de la flambée ait été passé et ne plus pouvoir la retrouver alors que la flambée s’achève doucement.

Voici une comparaison de deux courbes représentant l’évolution au fil du temps de la température au point le plus chaud de la plaque de cuisson dans le cas d’une cuisinière de masse « à l’européenne » (grand foyer chargé en une seule fois) et d’une cuisinière de masse « à l’anglo-saxonne » (petit foyer rechargé régulièrement).

Sur ma cuisinière donc, le profil de température reste beaucoup plus stable au fil du temps à la surface de la plaque. Cela ne signifie pas pour autant qu’on ne peut pas ajuster la puissance !

En effet, nous nous sommes concentrés jusqu’ici sur le point le plus chaud, mais sous la plaque, les gaz chauds en provenance du foyer décrivent un parcours en « U » sous la plaque carrée, ce qui a pour effet de créer un gradient de température au fil du « U », qu’on peut schématiquement diviser en 4 zones :

Ainsi, la température en zone 1, la plus chaude car elle se situe juste au-dessus de la sortie du cœur de chauffe, oscille généralement autour de 400°C et permet d’amener de grands volumes d’eau très rapidement à ébullition, ou bien faire frire/griller des aliments à feu très vif, comme on le ferait dans un wok par exemple.

La zone 2 oscille autour de 300-350°C et permet de maintenir les ébullitions rapidement obtenues en zone 1, sans pour autant faire déborder les récipients, ou bien saisir/griller à feu vif.

La zone 3 oscille autour de 250°C et permet de faire des mijotages ou tout autre type de cuisson à feu moyen.

La zone 4 oscille autour de 200°C et permet de faire des mijotages ou tout autre type de cuisson à feu plus doux.

Il est bien entendu possible de positionner des récipients à cheval sur plusieurs zones pour ajuster plus finement la température.

En ce qui concerne le four, il y a moins de choses à dire. C’est un four noir, c’est à dire qu’il fait partie intégrante du chemin emprunté par les gaz chauds. A ce titre, il se comporte davantage comme un four à chaleur tournante, dont « l’air » est renouvelé et brassé en permanence, plutôt que comme un four clos qui chauffe de façon statique. Sa température interne oscille entre 200 et 250°C, il est utilisable dès qu’on a au moins 45mn à 1h de feu derrière soi (le temps que les parois internes soient bien chaudes), et il a une légère tendance à devenir légèrement plus chaud au fil des rechargements successifs.

Il permet donc de réaliser une grande diversité de plats : gratins, lasagnes, pizzas romaines, tartes, plats à rôtir, etc… Il sera en revanche un peu juste pour faire du pain ou bien des pizzas napolitaines aussi bien que dans un grand four à bois traditionnel. On ne peut pas tout avoir !

Gestion et logistique

Pour faire du feu, il faut du bois !

Comme pour tout appareil de chauffage au bois, il faudra prévoir et anticiper son approvisionnement et son stockage afin d’avoir chaque année suffisamment de bois sec pour couvrir la saison de chauffe.

Si la cuisinière est, comme chez moi, construite dans un logement correctement isolé, utilisée quotidiennement à raison de 2 feux par jour (en hiver), et plus occasionnellement 1 seul feu par jour (en inter-saison), alors elle consommera environ 6 stères de bois coupé en 33cm par an.

La cuisinière étant faite pour faire des feux vifs et non pour tourner au ralenti, son combustible sera conditionné en bûchettes et non en grosses bûches entières.

Typiquement, tous les jours en fin d’après-midi / début de soirée, je sors avec mon panier en direction de mon stockage de bois. Je prends alors 5 ou 6 bûches de 15 à 20cm de côté que je refends chacune en 4 à 6 plus petites bûchettes que je charge dans mon panier. Je m’arrange toujours pour avoir dans le lot quelques bûchettes encore plus petites, ainsi que de fins éclats de bois, afin de me servir de bois d’allumage. Je rentre alors avec mon panier rempli, sachant que j’ai assez de bois pour ma flambée du soir, ma flambée du lendemain matin, et assez de marge pour une éventuelle troisième flambée le lendemain soir si jamais la météo ne m’incite pas à sortir pour aller au stockage.

Autrement, l’entretien régulier consiste à nettoyer quotidiennement le plan de travail avec une éponge humide légèrement savonneuse, et à décendrer le foyer environ 1 fois par semaine.

Je ferai plus tard (l’été prochain probablement) un billet concernant l’entretien plus poussé à réaliser annuellement.

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